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En préambule, nous aborderons succinctement la vision des deux « camps » partisans du statuquo et opposés au soutien militaire de l’Ukraine, puis nous tâcherons de donner des clés de compréhension sur les conséquences que cela aurait pour l’Ukraine.

En effet, l’Ukraine, du fait de sa situation géographique, a longtemps été considéré comme un état tampon entre la Russie et l’Union Européenne par beaucoup de dirigeants Occidentaux.

Que signifie cette qualification d’Etat tampon dans les faits ?

Pour les uns, une obligation de neutralité, incluant sa démilitarisation, en réalité un pion, son vassal, qui a historiquement joué un rôle durant les grandes guerres de conquêtes passées ; pour d’autres, un pivot géopolitique, dont l’importance tient moins à sa puissance qu’à sa situation géographique favorable ou défavorable selon les circonstances et les intentions de ses voisins; et enfin pour les derniers, une jeune nation longtemps ignorée par duplicité avec son hypothétique partenaire russe tantôt allié historique, tantôt adversaire aux ambitions impérialistes non avouées…

Mais finalement pour tous, un état de fait, une position confortable, celle-là même que continu d’entretenir aujourd’hui deux types de profil principaux, d’une part les partisans d’une paix à tout prix….paix toute relative et pour le moins inégale nécessairement au détriment de la condition ukrainienne, de la volonté de son peuple à l’auto-détermination et de la souveraineté de ses frontières puisqu’il s’agirait ni plus ni moins, lorsque l’on creuse un peu, de céder à toutes les revendications russes, cession des territoires occupés, acceptation d’un statut de neutralité, démilitarisation, soumission aux influences russes, etc…et d’autre part la vision pro-russe qui ne laisse aucun doute et fait la part belle à la Russie en déplaçant toutes les responsabilités du conflit à l’Ouest, le fameux élargissement de l’OTAN, la politique isolationniste à l’endroit de la Russie, en passant par la dénazification, etc.

Les premiers n’ont pas nécessairement de mauvaises intentions à l’égard du peuple Ukrainien, la paix, qui ne la souhaite pas ?

Mais dès lors, on entend cette petite musique régulièrement sur les réseaux, soutenir l’armement à l’Ukraine, souhaité un retour à ses frontières de 1991, ce serait être un va-t-en-guerre, un belliciste qui ne prônerait que la violence et les armes au détriment de la diplomatie…feignant de ne pas comprendre que cette dernière a échoué, que parfois elle est veine lorsque son adversaire est enfermé dans sa vision révisionniste de l’histoire et dans sa volonté inébranlable et revancharde de reconquête, reconquête de territoires, reconquête de pouvoir, reconquête d’un statut international !

A moins bien sûr que cette position de paix quoi qu’il en coûte ne soit quelque peu hypocrite et secrètement égoïste ?

C’est vrai quoi !! Pensez à mon monde paisible d’occidental européen qui à basculé dans l’insécurité et le stress économique à cause de ces opiniâtres ukrainiens qui n’abandonnent pas devant l’agression, tout cela pour un lopin de terre !! Cette Ukraine, responsable de tous mes maux, du manque d’huile pour ma salade jusqu’à la moutarde pour accompagner ma blanquette.

Il aura même fallu baisser mon chauffage à 19°C cet hiver, quant à ma sécurité, qui prévaut naturellement sur tout autre, elle est devenue toute relative..diable d’ukrainiens, faites une croix sur votre liberté (votre existence même ) afin d’en préserver la mienne…

Le trait est exagérément grossi, mais n’est pas toujours loin de la vérité..

De l’autre côté, on a les pro-kremlin qui n’en finissent pas de feindre l’existence ukrainienne, ce peuple petit-russe si gênant dans l’historiographie russe révisée…

Tu parles russe, alors tu es russe, tu veux nécessairement être rattaché à la Russie, ton histoire ne compte pas, tu n’as d’ailleurs pas d’histoire puisqu’elle intrinsèque à la Russie..et tant pis pour les Taras Chevtchenko, Lessia Oukraïnka, Bogdan Khmelnitski, Mykola Gogol, Ivan Mazepa, Ivan Franko, Mykailo Hrushevsky, Mykhailo Boulgakov, Oleg Antonov..etc etc

Si la vision semble claire sur l’objectif de paix des premiers, le chemin pour y arriver est plus opaque, ambigu ou non avoué…

Ce n’est en revanche pas le cas du second type d’individus, que l’on rencontre bien plus souvent sur les réseaux sociaux qu’en dehors soit dit en passant.

Ici, tant l’objectif que la nature du trajet à suivre est explicite, l’Ukraine n’est qu’une partition de la Grande Russie, les régions soi-disant annexées, Kherson, Zaporijia, Louhansk, Donetsk et la Crimée sont russes et cela n’est qu’un juste retour des choses. Le ton est donné, nous revoilà replongé de manière décomplexée dans l’époque impérialiste de Catherine II et du concept de Novorussia..et qu’importe la volonté des peuples..

Résultats du Référendum d’Indépendance de l’Ukraine. Déc.1991

En faveur : Kherson (92.61%) ; Zaporijia (92.51%) ; Louhansk (86.00%) ; Donetsk (86.96%) ; Crimée (54%)

Mais, soutiendront-ils, les référendums de septembre 2022 ont démontré que ces régions souhaitaient dorénavant être russes à plus 99% des voix..spectaculaires résultats et ceci sans aucun rapport bien sûr avec la présence de personnes armées dans des régions sous occupation, sous le feu des bombardements, avec son lot de déportations, de réfugiés et d’exilés..

Odessa, Dniepropetrovsk, Kharkiv ou encore Mykolaïv devraient en toute logique être également libérées du joux Kievien et il faudra nécessairement rediscuter quelques autres lopins de terre en Moldavie pour boucler la boucle du projet Novorussia… ??

Guerre en Ukraine : Ont-ils seulement compris ce qui se joue ?

 

Ont-ils compris l’histoire entre ces deux nations (Russes et Ukrainiens) ?

Il n’est jamais trop tard, nous l’abordons dans quelques-uns de nos articles que vous pouvez retrouver ici et qui donnent quelques clés de compréhension sur le sujet.

On y aborde l’histoire de l’Ukraine, ses origines, sa géographie et ses influences historiques au milieu des deux grandes puissances que représentaient l’Empire Polono-lituanien et l’Empire Russe.

Nous y évoquons la langue ukrainienne, sa culture, sa volonté de faire nation et de se constituer en état, toujours empêché par une puissante répression russe et dans une moindre mesure polonaise.

L’historiographie ukrainienne est complexe, ancienne et aujourd’hui suffisamment abondante et documenté pour qui souhaite approfondir le sujet. On ne peut que s’en réjouir lorsqu’on sait à quel point il aura été difficile pour ce pays de s’extraire de sa condition de soumission, des répressions et des interdictions par son voisin russe.

 

Prennent-ils conscience que la paix entre ces deux peuples n’est plus possible pour l’heure ?

La paix a été consommée, le statuquo d’une Ukraine tampon n’est plus envisageable.

Lorsque les occidentaux eux, jusqu’alors frileux ne voyaient rien ou feignaient de ne pas voir, la révolution orange de 2004 puis 10 ans plus tard celle de Maïdan avec le rejet d’une oligarchie cleptocrate, soumise au Kremlin, a engagé le pays dans une profonde transformation qui s’opère encore actuellement.

Qui plus est, renforcée par un nationalisme prégnant et une aversion accrue pour son voisin russe depuis l’annexion de la Crimée.

Le 24-02-2022, Poutine est allé trop loin, aujourd’hui, il n’y a pas un Ukrainien en Ukraine qui n’ai pas perdu un parent, un enfant, un frère, une sœur, un ami, un voisin, un membre parfois plusieurs..le pays est dévasté sous le feu des bombes russes depuis plus d’une année, des dizaines de milliers de personnes ont tout perdu, famille, habitation, véhicule, travail..

L’armée russe, ses mercenaires, ont violé tant de leurs femmes, tant de leurs enfants, ils sont déportés, russifiés, les militaires sont régulièrement torturés, affamés…les rapports qui en font état sont nombreux et sans commune mesure avec les exactions relevées de l’armée ukrainienne.

Dans les faits, cette guerre menée par V.Poutine n’est que la continuité d’une politique négationniste envers le peuple ukrainien, et revêt un caractère génocidaire au sens strict du terme, à en juger par la définition des droits de l’hommes. (Nations Unies)

 

Le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

a) Meurtre de membres du groupe ;

b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;

c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;

d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;

e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe. »

 

Qu’on le veuille ou non c’est un fait, même si pour certains pays européens il est encore difficile d’étendre cette notion de génocide au-delà de la shoah tant le traumatisme est encore présent chez eux.

Les choses évoluent néanmoins, à en juger par la récente reconnaissance du caractère génocidaire de l’Holodomor par l’Assemblée Nationale Française et celle par l’Allemagne fin 2022.

Qui peut donc croire une seule seconde que ce peuple slave, épris de sa liberté que Voltaire avait bien sue déceler en ses mots « Les Ukrainiens sont amoureux à l’excès d’un bien préférable à tout, la liberté »

..se soumettrait sans résistance ? Qui peut imaginer faire la paix avec un ennemi qui vous a tout pris, qui continu de tout vous prendre, et qui, si vous lui cédez, recommencera..car lorsqu’elle est forte, l’histoire démontre la propension de la Russie à l’expansion..

 

Si la paix est possible un jour, ce n’est tout simplement pas l’heure..

Stratégiquement et militairement parlant, l’Ukraine DOIT avoir des gains territoriaux dans l’hypothèse d’une négociation, à défaut d’une capitulation russe.

 

Ont-ils compris que cette guerre n’a pas débuté le 24-02-2022, pas plus qu’elle ne l’a été en 2014 avec l’annexion illégale de la Crimée, qui n’était que la finalité guerrière russe d’un long processus d’ingérence entamé dès la chute de l’URSS ?

 

Ni l’expansion de l’OTAN, ni un pseudo génocide russophone dans le Donbass, ni une démilitarisation, pas plus qu’une chimérique dénazification, ou qu’une hypothétique intervention militaire ukrainienne de grande ampleur ne saurait être la véritable raison de l’entreprise de cette guerre.

Pas plus que la présence de pseudo laboratoires destinés à créer des armes chimiques, qu’un président drogué à la solde des Etats-Unis ou que le non-respect des accords de Minsk..

Le discours évolue, les faits demeurent…

Nous avons déjà largement apporté la preuve des contradictions russes sur ces sujets et sur la base de faits dans nos articles, et continueront de le faire.

 

Voici pêle-mêle quelques arguments à opposer.

 

-Quid de l’adhésion de la Finlande à l’OTAN sans que cela n’affecte le pouvoir russe ? On parle pourtant de 1’340km de frontière russo-finlandaise…

-Et l’enclave militaire russe de Kaliningrad, de la figuration ?

-La milice Wagner ne prend pas racine dans une mouvance nazie par son fondateur Dmitri Outkine ?

-C’est l’Ukraine qui a massé plus de 100’000 hommes à la frontière ?

-Igor Vsevolodovitch Guirkine (Strelkov, « le tireur ») n’a pas avoué avoir soulevé les manifestations pacifiques de la population de Sloviansk afin de l’étendre au Donbass ?

-Vladislav Sourkov n’a-t-il jamais lui aussi avoué n’avoir aucune intention de respecter les accords de Minsk ? Pas plus que le gouverneur de la région autoproclamée de Donetsk, A.Zakhartchenko n’a affirmé n’avoir aucune intention de respecter quelques cessez-le-feu que ce soit ?

 

Tous les « arguments » fallacieux de la propagande russe ont été démystifiés et vous les retrouvez dans nos articles !

 

En outre, dans notre article sur l’élargissement de l’OTAN, nous avons tenté de détailler certaines des vraies raisons historiques à l’origine de cette guerre qui convoquent l’histoire de l’Ukraine et les relations russo-ukrainiennes.

L’invasion de l’Ukraine relève d’une ambition nostalgique impérialiste de Poutine, celle de restaurer la grandeur de l’Empire Russe, la Grande Russie, celle dont Poutine la rêve encore sans frontière.

Elle se traduit également par la négation de la nation ukrainienne aux ambitions européennes, impossible pour le pouvoir russe d’accepter que le berceau slave qui touche à l’identité russe, ne lui tourne le dos.

Maïdan a bousculé les « assises » de Moscou en Ukraine, par la volonté de son peuple de se séparer définitivement de l’influence russe et par les élections successives d’un gouvernement pro-occidental.

 

Ont-ils également compris que l’émergence d’une Ukraine démocratique au sens du modèle Européen ne passerait que par la séparation franche de son voisin qui lui refuse ?

 

Les traditions de la Nomenklatura soviétique demeuraient bien présentent dans les rangs de l’oligarchie ukrainienne, ils détiennent (détenaient ? pas facile de savoir qui possède encore quoi actuellement) les journaux, la télévision, les industries, un poids politico-médiatique important..une épine dans le pied pour tous réformateurs et pour impulser une véritable cohésion nationale ukrainienne. La loi sur les langues et son instrumentalisation en est le parfait exemple..

Mais Poutine a réussi à briser ce verrou en entreprenant cette guerre, de même qu’il a réveillé le nationalisme ukrainien dans toutes les sphères de la population, y compris dans les régions historiquement pro-russe*

*Au sens politique du terme, par la voix du scrutin notamment, sans considération d’une volonté de réunion avec le voisin russe comme l’interprète beaucoup trop « d’observateurs »

 

Que la conservation des frontières ukrainienne ne pérenniserait que d’un rapprochement Européen et d’une adhésion à l’OTAN ou d’une fatale soumission à l’Empire Russe ?

 

C’était le propos tenu en 2019, qu’on aime à reprendre tant il illustre parfaitement la situation, par l’ex-conseiller de V.Zelensky, Oleksiy Arestovych dans une vidéo largement médiatisée à cause de la précision chirurgicale avec laquelle il décrivait avec 3 ans d’avance l’invasion russe qu’il savait inévitable.

La Russie avait des ambitions qu’elle n’aurait pu porter que dans les frontières de l’Ukraine, car vitale à son expansionnisme hors de champ Otanien.

Deux possibilités, soit cela se ferait « avec » l’Ukraine par la mise en place d’un gouvernement fantoche, que le pouvoir russe a cru pouvoir renverser en quelques jours en 02-2022, soit à ses dépens, ce que l’on constate depuis le début de la guerre.

La volonté de l’Ukraine de se tourner définitivement vers l’Europe puis, par la force des choses, depuis 2014 avec l’annexion de la Crimée, d’intégrer l’OTAN était une ligne rouge pour la Russie, ce que n’ignorait pas l’Ukraine.

Mais, à l’image des propos tenus par Arestovych, et malgré la stupéfaction initiale  du peuple et des observateurs internationaux après le passage à l’acte du 24-02-2022, que le cerveau se refuse toujours inconsciemment de voir, le peuple ukrainien et son gouvernement n’ont jamais exclu la possibilité d’une guerre à grande échelle, et parmi eux nombreux sont ceux qui la prédisait après l’annexion de la Crimée en 2014..ce serait le prix à payer pour poursuivre le destin démocratique de leur pays.

 

Que la gouvernance étatique longtemps gangrénée par une cleptocratie oligarchique héritière de son passé soviétique ne peut être défaite sans heurts et rupture radicale avec l’influence et l’ingérence russe ?

 

La Présidence de V. Ianoukovitch est très révélatrice du niveau de corruption et de détournement des richesses au plus niveau. Nous le mentionnions dans notre article consacré au démarrage du conflit et au soulèvement de Maïdan.

Mais l’ingérence russe avec un pouvoir ukrainien favorable et un niveau de corruption élevé n’est pas l’apanage du gouvernement V.Ianoukovitch, cela était également vrai dès 1991 sous la présidence de L.Kravtchouk ou celle de L.Koutchma.

En réalité, l’Ukraine n’a pas opéré une véritable séparation à cette époque, c’était encore une « jeune nation » au sens politique du terme (centralisation des pouvoirs), elle n’avait pas l’expérience de la gouvernance réelle, car même si elle existait dans ses frontières de longue date sous l’URSS, elle était subordonnée politiquement à Moscou.

De fait, elle ne savait pas bien ou elle allait malgré sa volonté immuable de prendre son indépendance, ce qui a conduit à conserver les structures en place, les mêmes politiciens qui n’avaient que peu d’intérêts personnels à rompre avec « le passé ».

Le Président pro-occidental P.Porochenko a également été largement critiqué par le peuple ukrainien pour son double discours vis-à-vis de la Russie post-annexion de la Crimée.

En effet, celui-ci s’opposait âprement à la Russie mais dans le même temps conservait des actifs financiers en Russie avec son groupe Roshen qu’il avait promis de céder..Il a également été cité dans le cadre de montage financiers opaques. On ne peut pas dire que le peuple le porte beaucoup dans son cœur. Malgré certaines réformes qu’il a impulsé, ces intérêts personnels prévalaient aussi, reflet de cette fameuse corruption étatique.

 

L’influent homme politique pro-russe Viktor Medvedtchuk principal opposant au pouvoir Ukrainien en 2019, ayant un siège à la Rada illustre parfaitement cette oligarchie cleptocrate qui a considérablement participé à freiner certaines réformes dans le pays et à maintenir le pays vassal de la Russie. Il a joué un rôle considérable dans l’Annexion de la Crimée et militait pour un rapprochement avec la Russie en s’opposant au contraire violemment aux accords avec l’UE.

Il est un grand ami de Poutine, qui est d’ailleurs parrain d’une de ses filles, et ce dernier le fera d’ailleurs libéré en 2022 après sa capture par le SBU, alors qu’il était en fuite depuis l’invasion russe en Ukraine, en échange de 200 prisonniers ukrainiens dont quelques généraux du régiment Azov, celui-là même que V.Poutine qualifiait de nazi qu’il souhaitait éradiquer..

 

L’ex-Nomenklatura soviétique a longtemps sévi dans les rangs de l’Etat Ukrainien.

Les choses sont vraisemblablement en train de changer depuis le début de la guerre en Ukraine et les « purges » récurrentes par le pouvoir en place.

 

Nombreux sont ceux n’ayant pas pris la mesure des évènements en Ukraine.

Il ne s’agit pas simplement d’une énième querelle entre deux nations sur un bout de territoire, pas plus qu’une guerre d’intérêts ou d’alliance pour l’Ukraine…

Attention, il ne s’agit pas de nier les intérêts sous-jacents entre les nations qui existent nécessairement dans un monde « globaliste » mais de mettre en évidence que l’enjeu principal pour les Ukrainiens est ailleurs, il va au-delà, pour ce peuple, il s’agit de conserver sa liberté, ses droits, et même d’un certain point de vue, son existence même dépendante d’un pays socialement, politiquement et économiquement viable.

 

L’Ukraine, c’était ~43 millions d’habitants avant la guerre dont ~33 millions d’ukrainiens natifs, ~7 millions de russes et quelques autres minorités ethniques.

La démographie du pays est en constante décroissance depuis les années 1990, le pays comptait ~51millions d’habitants, puis ~47millions au recensement de 2001 qui s’explique par la douloureuse transition post-soviétique.

Migrations, difficultés financières, crises économiques, baisse des soins médicaux, augmentation de la mortalité, autant de facteurs qui ont contribué à ce phénomène démographique, renforcé en 2014 par les conflits à l’est et l’annexion de la Crimée, intense russification ( changement de passeport, média contrôlé, enseignement en russe uniquement, peines de prison et amendes pour les réfractaires, etc) et les départs inhérents à cette nouvelle politique.

Certaines statistiques récentes du gouvernement ukrainien montreraient même une situation bien moins optimiste que les 43 millions évoqués précédemment, allant jusqu’à estimer ~37/38 millions d’habitants dans les zones contrôlées par le gouvernement de Kyiv, (Hors Donetsk, Louhansk et Crimée donc) soit une chute d’environ 10 millions d’habitants en moins de 20 ans..

 

Depuis le début de l’invasion russe, selon l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, c’est plus de 8 millions de réfugiés ukrainiens qui ont fui vers l’Europe, ~17 millions de personnes ayant besoin d’une aide humanitaire, et plus de 5 millions déplacées à l’intérieur de l’Ukraine.

Seul ~2 millions d’ukrainiens seraient revenus selon le Haut-Commissariat de l’ONU.

A cela s’ajoute les déportations d’enfants vers la Russie ou en territoires contrôlés par les russes, et les dizaines de milliers de victimes des bombardements sur la population civile ainsi que les pertes militaires ukrainiennes.

 

Enfin, la stratégie de russification dans les territoires annexées jouera un rôle important. Des dizaines de milliers de passeports sont distribués depuis 2014 en Crimée ou dans le Donbass et le pouvoir russe vient de voter l’oukase (décret) prévoyant l’expulsion de tous ukrainiens qui refuserait le passeport russe dans les territoires annexés.

L’enjeu est vital ! Si la paix ne revient pas bientôt, cela compromettra le retour de beaucoup de réfugiés qui auront entrepris une nouvelle vie ailleurs.

La paix oui, mais pas à n’importe quel prix !

Du point de vue démographique, il y a donc un risque majeur pour le pays.

 

Un autre risque intimement lié à l’influence russe en Ukraine et à la démographie ukrainienne, est celui de la préservation de la langue ukrainienne, nous en parlions dans un précédent article, il y a environ 32 millions de locuteurs natifs ukrainien dans le monde dont 29 millions en Ukraine, mais l’influence russe de plusieurs siècles en Ukraine avec sa politique de répression de la littérature et de l’usage de la langue ukrainienne a marqué le pays. C’est ainsi qu’en 2019, lors d’un sondage sur l’utilisation de la langue au quotidien dans le pays, ~50 des Ukrainiens répondaient parler russe à la maison.

Ce qui explique, entre autres, la politique de « ré-ukrainisation » depuis les années 1990 et la loi sur les langues de 2019 qui visait à insuffler une dynamique de préservation du patrimoine culturel ukrainien.

En outre, avec le conflit qui dure à l’Est depuis 10 ans et la guerre actuelle, et dans une projection pessimiste de l’évolution de la situation, le risque est que le pays devienne moins attractif et qu’un nombre croissant de ces habitants quittent le pays, adoptant la langue du pays d’accueil.

La préservation du patrimoine linguistique ukrainien, dont la langue a déjà été consacré parmi les plus mélodieuses et chantantes, est donc également un enjeu.

 

Parmi les aspects importants de la viabilité du pays, il est également question de son facteur économique.

Trop souvent, on peut lire, des fameux partisans de la paix à tout prix ainsi que des partisans pro-russes, qu’il suffirait à l’Ukraine d’abandonner ces quelques lopins de terre à l’Est et la Crimée..après tout, ces régions sont russophones, c’est légitime. Et puis, on voit bien que l’Est et l’Ouest sont divisés, il n’y a qu’à regarder les votes lors d’élections présidentiels ou législatives..comme si cela était révélateur d’une volonté inavoué d’être rattaché à la Russie..

Non ce n’est pas juste la question d’un bout de terre, qui représente quand même jusqu’à 22% du territoire ukrainien..il en va de sa viabilité économique.

Le revenu mensuel brut en Ukraine avoisine les 300 euros, c’est faible, mais attention à ne pas comparer deux économies complètement différentes (France, Allemagne, etc.) car le prix des biens de consommation courante est beaucoup plus faible également.

Le taux de chômage avoisinait les 10% en 2021.

Le PIB/habitant se situe en moyenne aux alentours de 3’800 euros et 170 milliards d’euros au total en Ukraine.

En 2021, l’Ukraine exportait pour ~80milliards d’euros et importait à peu près dans le même ordre de grandeur. (peut varier selon les sources)

L’Ukraine est un partenaire commercial important pour l’Europe, mais aussi pour la Chine qui représentait à elle-seule 15,2% des importations de l’Ukraine en 2021, ce qui explique aussi certainement sa toute relative neutralité dans différents votes et résolutions à l’ONU visant à condamner la Russie, volonté de ménager la chèvre et le choux, pragmatisme chinois.

L’Ukraine est également historiquement et économiquement importante pour la Russie, elle a contribué jusqu’à un quart de sa richesse économique..

A l’heure actuelle, en période de guerre, l’aide étrangère est essentielle pour faire fonctionner le pays et le garder à flot..

 

Mais si l’Ukraine est un pays diversifié économiquement grâce à son secteur des services développé, ses ressources naturelles ou son agriculture, les régions à l’Est, Donetsk, Dnipro notamment revêtent une importance de taille dans l’économie du pays. Ces régions sont riches en ressources naturelles, charbon, minerais de fer, ce bassin houiller du Donbass est d’importance stratégique pour l’Ukraine.

Ainsi après Kyiv, poumon économique du pays, ces deux régions représentent une part substantielle du PIB de l’Ukraine.

Quant à Zaporijia, la ville représente un très grand centre industriel, la région a suffisamment fait les gros titres durant le conflit pour que cela se sache, elle abrite la plus grande centrale nucléaire d’Europe. Son économie est également importante pour le pays.

Voyez en carte :

 

Certes, avec l’Ouest, le centre et au Sud avec Odessa, le pays n’est pas en reste, mais privé de ses régions à l’Est ainsi que de la Crimée et son accès stratégique à la mer Noire, l’Ukraine n’aurait pas la même identité, pas la même viabilité et finalement pas la même attractivité.

 

Autrement dit, si la situation devait être figée dans l’état actuel des frontières reconnues par la Russie, cela reviendrait à enclaver le pays et l’asphyxier, le rendant totalement vulnérable et interdépendant de ses voisins et de ses partenariats commerciaux.

Cela pourrait avoir un impact compromettant sur le retour de la jeunesse ukrainienne après-guerre et inciterait davantage aux départs du pays.

 

L’Ukraine est encore en phase de mutation, de concrétisation de l’affirmation d’une nation au sein d’un Etat, c’est la raison pour laquelle elle entreprend des réformes importantes depuis 2014, accords d’association avec l’UE, lois de décommunisation, séparation du patriarcat de Moscou, reconnaissance de l’Eglise orthodoxe ukrainienne, lutte contre la corruption, même si celle-ci, héritage de son passé soviétique, persiste encore, loi sur les langues afin de redonner à l’ukrainien son statut de langue officielle d’état, etc.

 

Il faut saisir la nature de l’identité ukrainienne, pas au sens strict du terme d’un état politique, dont la construction est encore jeune, mais comme une nation enracinée dans sa terre, héritière d’une longue tradition de paysannerie, celle de ses ancêtres, les courageux Cosaques qui ont contribué à l’émergence d’un état en devenir et au sentiment d’appartenance d’une nation, celle de ces grands poètes et poétesses, ses musiciens, ses artistes, ses écrivains et ses inventeurs, celle de ses guerriers et ses réformateurs, celle d’un peuple avec un désir immuable de faire nation !

 

Historiquement, et sans en appeler à l’auto-flagellation mais dans un but de rappel de la mémoire historique collective, il faut se souvenir que les auteurs occidentaux ont longuement adopté la version du récit russe au sujet de l’Ukraine, la consacrant à un rôle de province de l’Empire russe, un même peuple dont la langue ne serait qu’un dialecte (rural) du russe.. Le meilleur exemple en est l’appropriation russe de la Rous’de Kiev, retranscrite par « Russe de Kiev » mais qui revêtait en réalité la notion de Ruthénie de Kiev, slaves orientaux dont Ukrainiens, Russes et Biélorusses sont les héritiers..Il suffit de consulter internet à ce sujet pour en avoir un aperçu..

A travers l’histoire, par ses différentes alliances et prises de positions, l’Europe s’est rendu «  complice » de cet état de fait, par son incapacité à reconnaitre suffisamment tôt une nation ukrainienne à part entière, peut-être de manière involontaire, par ignorance de son histoire, parfois par négation intentionnelle et calcul politico-stratégique avec l’allié russe, ou encore par méfiance vis-à-vis du rôle que l’Ukraine a parfois été contrainte d’entretenir au milieu des grandes puissances du passé.

 

Mais comme nous l’avons décrit préalablement, cet état de fait de pays tampon, vassal de son voisin russe, ne saurait être attribuée aux seules décisions  des occidentaux, l’histoire compliquée de l’Ukraine, tantôt sous domination Polono-lituanienne, tantôt Russe, en passant par des périodes d’influences roumaine, autrichienne et les terribles invasion mongoles puis allemandes, ont largement contribué à freiner l’émergence d’un état.

 

Si une identité ukrainienne a survécu à ces régimes envahissants, cela ne s’est pas fait sans séquelle, elle y aura laissé une partie de sa démographie, de ses traditions et y compris même de son identité culturelle. L’intense russification et les différentes répressions ont marqué la société, à titre d’exemple, au point qu’il soit même parfois encore récemment considéré « honteux » ou « obsolète » de parler ukrainien dans certaines villes..y compris la capitale.

Cela était moins vrai après l’invasion de 2014 même si on continuait très largement à parler russe un peu partout, y compris à Kyiv, sans que cela ne soit un problème pour qui ce soit soit dit en passant, et en opposition avec ce qui est raconté par la propagande russe au sujet de la loi sur les langues, mais depuis l’invasion du 24-02-2022, tout a changé, le sentiment national n’a jamais été aussi fort, y compris dans les régions pro-russes largement prises pour cible par le pouvoir russe.

 

Aujourd’hui l’enjeu pour l’Ukraine est de « réparer » ce qui a été brisé. Elle doit faire le « deuil » de cet héritage compliqué.

 

Finalement, l’Ukraine est en train de relever un défi majeur, elle lutte à la fois pour sa liberté et sa souveraineté face à l’agresseur russe pour trouver le chemin de la paix, et elle est également en train de se réconcilier avec elle-même, la paix en son sein, celle de son peuple longtemps divisé, mais qui a choisi de faire nation ensemble et d’avancer avec opiniâtreté, à l’image de leurs ancêtres.

Si vis pacem, para bellum…